Episode 5 – Les coups de pouce

Episode 5 – Les coups de pouce

Il y a ceux qui pensent à nous et à nos semis quand il gèle, ceux qui passent une heure pour voir le terrain ou une journée pour donner un coup de main et semer les graines, replanter les pousses, retourner la terre, assembler les bottes de basilic, arracher les ronces, distribuer les flyers, ceux qui viennent toute une journée ou une demi-journée sur les chantiers des serres et des étangs, ceux qui s’arrêtent, intrigués, et posent des questions, ceux qui décrochent leur téléphone quand le système d’irrigation tombe en panne et, bien sûr, ceux qui achètent nos légumes. Pour ces coups de pouce, ces marques de soutien, cette aide qui nous donne la force de continuer: MERCI.

On dirait une danse chorégraphiée. Sur des échelles branlantes. Et avec une bâche qui pèse des tonnes. Les premiers échelons grimpés, le premier pan de toile hissé au-dessus du squelette métallique de la serre et noué à l’entrée, et les amis-ouvriers-bénévoles se coordonnent, tout naturellement. Sur les échelles les plus hautes, les plus acrobates (Adeline, trapéziste du pays de Herve, et Julien, bricoleur hors-pair) réceptionnent les morceaux de bâche tirés par ceux sur les escabeaux plus bas, davantage sujets au vertige, et les posent sur le faîte de la structure, puis redescendent sur la terre ferme, portent leurs échelles quelques mètres plus loin, remontent à plus de trois mètres de haut et soulèvent une nouvelle fois la toile. Suivis par l’équipe des escabeaux. Et ainsi de suite. Jusqu’au bout de la serre, longue de quarante mètres.

En voyant la toile se déployer sur cet abri essentiel à notre travail, cet endroit qui accueillera bientôt les tomates, concombres, poivrons et aubergines et pour de nombreuses saisons à venir, cette serre que l’on rêve luxuriante, à l’atmosphère tropicale et aux saveurs méditerranéennes, en entendant les vannes, les rires et les instructions de nos travailleurs motivés, en regardant notre petit garçon de 18 mois sourire, faire scintiller ses bottes lumineuses à chaque pas, papoter, avec à la main tantôt un (ou deux) pain(s) au chocolat, tantôt un embout de plastique qu’il tend au fur et à mesure à l’adulte qui les fixe, j’ai les larmes aux yeux. Je me dis qu’on n’oubliera jamais ces moments. Qu’ils sont une étape importante. L’aboutissement de nombreuses journées de chantier.

Après la première journée très (très) optimiste malgré le froid automnal, où l’on pensait pouvoir y arriver du premier coup, mais où l’ancrage des piquets dans le sol et le montage des arcs métalliques ont rapidement et logiquement épuisé les recrues. Après les messages d’invitation, les relances, le tannage en bonne et due forme pour trouver des bras et du renfort. Après les repas de midi qui, à l’image de notre énergie et notre enthousiasme, sont passés de barbecues trois étoiles à la frite du coin pour finir leur décadence en simples et honteux sandwichs jambon-fromage…

C’est sûr, on a connu les montagnes russes avec ces chantiers, ces serres et ces étangs. Mais toujours, il y a eu quelqu’un pour nous rebooster. Quand, deux jours après ce chantier du 1er mai, les rafales de vent menaçaient de gâcher tout ce travail d’équipe, et qu’à deux, minuscule équipage d’un paquebot pris dans la tempête, on pensait ne jamais arriver à lutter contre les éléments, Johan et son fils sont arrivés, forts et motivés, vingt minutes après qu’on ait jeté notre bouteille à la mer. Quand la bâche de la « petite » serre (vingt mètres de long et 2,50 mètres de haut) s’est envolée une première fois, Coco est venu la refixer. Quand de grandes bourrasques l’ont déchirée, Juju et Julien ont passé la journée à installer la nouvelle bâche, remettre les cordées et les tendeurs, s’assurer que cette fois, ce serait du solide. Et c’est grâce à eux que quelques semaines plus tard, à la mi-avril, on a pu replanter les choux-fleurs, les brocolis et les laitues en t-shirt, au sec et au chaud, alors que dehors, il faisait glacial. Le genre de météo pourrie qui nous aurait empêchés de travailler toute la journée, tant on aurait été trempés jusqu’aux os. Mais ici, non, pluie, grêle, flocons, on a bossé paisiblement, sans même le remarquer. « Oh, il neige! », avait lancé Ben en regardant par la porte du tunnel alors qu’il faisait déjà blanc.

Quand il est devenu urgent de bâcher au moins un étang pour pouvoir arroser les semis, Max, Frank et Math se sont dévoués un dimanche après-midi. Quand Ben a fait ses premières récoltes juste avant le marché, Cécile, qui était juste de passage, a dressé de jolis bouquets de basilic pour lui faire gagner du temps. Quand Loops a eu un peu de temps libre après une journée de boulot, il est venu couvrir les futures parcelles des serres pour y faire mourir l’herbe de la prairie. Et quand la tonnelle qui nous servait d’échoppe le samedi s’est cassée, emportée par le vent, la commune de Gesves nous a prêté un chalet de son marché de Noël.

La ferme, ce n’est pas juste notre projet. C’est un endroit que l’on construit ensemble, où les enfants grimpent sur les ballots, dansent dans les remorques et mangent de la terre, où on passe sur le temps de midi casser la croûte sur la table de pique-nique, où on va cueillir le cerfeuil quand il n’y en a plus dans l’étal, où on plante sa tente pour la nuit, où on prend l’apéro les soirs d’été. La ferme, elle rassemble, elle grandit, elle bouge. Elle vit. Et c’est grâce à vous. Merci.

Merci à Adeline, Alex, Caro, Cécile, Coco, Franck, Gauthier, Gilles, Johan, Juju, Jules, Julien et Julien, Léandre, Loops, Mathieu, Max, Michel, Mouche, Nic, Océane, Seb, Stéphane, Thomas, Yves et à tous les autres…

Et à la prochaine pour le bâchage de la dernière serre!

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