Episode 9 – La fête. Partie 2: Le jour d’après

Episode 9 – La fête. Partie 2: Le jour d’après

Voilà, on est J+1. Lendemain de cette petite fête qu’on organise à la ferme depuis deux semaines. On est groggy, content, soulagé. La maison est dépouillée, là d’une table basse qui s’est transformée en table de jeu, ici d’un bureau devenu stand de préparation de hamburgers vegés, et là-bas, dans la cuisine, de ses spatules, contenants, ouvre-bouteille. La micro-ferme aussi a la gueule de bois, elle se réveille dimanche matin avec une tonnelle toujours montée, des objets trouvés et perdus, des balles de croquet sur la dalle de béton du futur magasin, un frigobox géant encore plein de glaçons et de bières fraîches. Dur, dur…

Je vous raconte ça parce que j’ai du mal à vous parler de samedi, du show de la micro-ferme. Mais je vais essayer… En commençant par le début. La matinée a été rock’n’roll, on avait des listes de tout pour ne rien oublier et apparemment, ça a marché. On a couru partout pour aller récupérer les pains à hamburgers, le barman à la gare (mon frère), les glaçons pour la glacière. On a eu les coups de main de Seb et Gauthier pour monter les tonnelles et les tables et fixer la clôture sur les poteaux plantés autour des étangs (ça, c’est du service last minute!). Ben a fait une récolte matinale pour les clients habituels du samedi matin et à la maison, j’ai coupé et lavé avec Ernest les crudités pour la petite restauration.

J’arrive donc à la ferme avec une petite voiture verte pleine à craquer, un frangin aux jambes recroquevillées au-dessus du matelas à langer, un bébé qui n’a pas fait la sieste sur la route comme je l’avais espéré et une demi-heure de retard pour prendre mon poste au stand de légumes (et Thomas le sien au bar)… Heureusement, notre fête ne compte pour l’instant qu’une seule invitée. Ouf!

On installe les guirlandes et les fanions sous la tonnelle, on scotche les menus et les affiches calligraphiées par ma soeur, on prépare le coin cuisine, on étale de la crème solaire sur Bébé et on est prêt. On n’attend vraiment pas longtemps pour voir les premiers hôtes débarquer. Les amis, la famille, puis très vite, des clients que l’on voit à Assesse ou à Sorée, des habitants du village et des gens de passage attirés par les discussions, les jeux, le soleil, le bar, le cadre. La fête prend vite des couleurs: les fruits et légumes, les visages grimés des enfants, devenus gorille, lionne, fée ou Minnie, les blocs de construction, les conversations, les rires, la musique, les bières, les limonades, le jus de pommes, les hamburgers grignotés dans leur emballage en papier à peine sortis du grill. On se revoit, on se rencontre, on découvre.

A 14 heures, des gens nous interpellent: ils sont venus pour la visite de la ferme. Ben commence un exercice qu’il ne trouve pas facile, raconter le projet, donner une idée de son travail, expliquer les cultures. Il sait en parler, c’est certain, mieux que personne. Et de mon côté, je le trouve très doué et passionné quand il présente la micro-ferme. Mais il ne sait jamais jusqu’où aller, dans quels détails, ce que les gens veulent savoir. Il s’adapte aussi aux questions et aux intérêts des personnes. Il finira par refaire quelques visites privées pour les retardataires et les curieux. Avant de s’arrêter un peu le temps du concert, d’une bière, d’une conversation, jusqu’à la prochaine visite. Un brin cassée et fragile, la voix de Tom White Shoes, seul avec sa guitare, s’accorde bien avec le lieu. Suspend l’instant. Réunit. Ça faisait un bail…

Sourires ébahis, généreux coups de main et légèreté

Je ne sais pas trop à quel moment j’ai quitté mon corps. Sans doute quand la file au stand de légumes a commencé à s’allonger et quand je n’ai plus eu l’occasion de retourner m’asseoir par terre près des jeux avec Ernest ou à table avec les amis entre deux clients. Quand j’ai commencé à perdre la casquette d’Ernest et à ne plus savoir où j’avais posé ce que je buvais ou mangeais un instant plus tôt. Quand je n’ai plus eu le temps d’accueillir comme il se doit les amis de longue date et ceux que je n’avais plus vus depuis longtemps, ceux venus de loin qui avaient fait de cette première sortie en famille un véritable périple et ceux qu’on n’attendait pas, ceux qui passaient pour une heure et qui finalement sont restés jusqu’au bout, les connaissances du village et de la région, les clients qu’on voit là-bas mais généralement pas ici. Quand j’avançais comme une automate et que je ne savais plus si j’avais rendu la monnaie, pesé les légumes ou présenté le Bancontact.

Puis, j’ai dit au revoir, à une, deux, trois personnes. Parfois bonjour en même temps. Et petit à petit, le champ s’est vidé. Il ne restait plus que nous trois, trois amis et deux bébés. La fête était finie. On s’est assis, on a pris une dernière bière, Ernest a bu son 7e jus de pomme, boisson sucrée et miracle à laquelle il a carburé toute cette après-midi sans nuages et sans sieste. On ne se rendait pas trop bien compte de ce qui venait de nous arriver. On a pris le temps de savourer, la bière, le coucher de soleil, les enfants qui jouent, le calme revenu. Puis, on a retrouvé du courage et on a plié les bancs, les tables, la tonnelle et chargé tout ça dans la remorque, on a bercé le plus petit et préparé les bibis, les enfants ont fait la course et porté le matos comme les grands. Math, Cha et leurs minis sont repartis. Restait le stand de légumes. Et Christophe, qui nous a bien aidés à charger la marchandise et les tréteaux. Au finish. (Je vous passe ce moment d’épuisement intense où, voyant les reflets rougeoyants du coucher de soleil sur la bâche, j’ai cru que la serre était en feu…)

Ce que je garde et veux garder de cette journée, c’est le sourire, fier et surpris, et les yeux ébahis d’Ernest quand Mélanie, la grimeuse, a posé la pointe rouge de son pinceau sur sa main pour y dessiner une coccinelle et une fleur. C’est la légèreté qui a flotté sur nous tout au long de la journée. C’est le bonheur de voir les gens arriver, leur bonne humeur, leur plaisir (je crois) à être là, le soutien qu’ils nous ont porté à travers leur seule présence. Merci! C’est les discussions engagées entre des personnes qui, deux secondes plus tôt, ne se connaissaient pas, bienveillantes et franches. C’est les coups de main généreux. C’est l’émotion de Ben. C’est ce moment où, après avoir transféré à 21h un bébé lourd comme la pierre dans son petit lit et avoir continué de m’agiter dans la maison sans trop savoir quoi faire, Ben est rentré et où on s’est assis dehors, dans le silence nocturne, et où, en deux phrases, on a dressé le bilan. Heureux, fatigués, soulagés, fiers de cette belle journée que l’on a voulue simple, conviviale, familiale, où on a pu parler de ce qu’on faisait et pourquoi, de nos valeurs. De cette journée qui, on l’espère, nous ressemblait.

Puis, ce qu’on garde aussi, c’est la certitude qu’il y en aura d’autres. Qu’on refera des petites fêtes à la ferme. D’ailleurs, on a déjà des idées quant à ce que l’on va améliorer, ajouter, changer, avec qui on va travailler. Mais on ne vous en dit pas plus… A bientôt! Et du fond du coeur, merci!

One thought on “Episode 9 – La fête. Partie 2: Le jour d’après

  1. Bravo pour votre courage ! Une telle fête, même si elle semble simple demande beaucoup de préparatifs, de logistique et de temps…Vu de l’extérieur, c’était une reussy, à mes yeux. Félicitations pour votre engagement à vous 2 , Heu pardon 3 ! Ernest y met du sien, donc, normal de le compter 😉 Merci aussi pour votre disponibilité , que ce soit au stand légumes ou pour la visite guidée. C’est beau votre enthousiasme et votre énergie 👏

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