Permaquoi?

Permaquoi?

C’est un terme qui revient souvent quand on parle de maraîchage. La permaculture. Un mot un peu fourre-tout parfois, à connotation très positive, qui renvoie à un certain respect de la nature, quelque chose de bien pour l’homme et l’environnement, une pratique aux contours flous que l’on imagine bohème, demandant peu de travail et renvoyant à « la fameuse image du hamac » dans lequel se prélasserait le maraîcher au milieu de son champ. Mais qu’est-ce que c’est exactement?

À la micro-ferme, la permaculture se retrouve dans le travail manuel, les apports au sol avec le compost et le paillage, l’association de certaines cultures et le retour de la biodiversité. On retourne peu le sol, on le nourrit et le protège, on a créé deux étangs qui attirent petit à petit les libellules, les hérons et les batraciens et nous assurent des ressources en eaux, on a planté quelques arbres et on veut en planter encore. D’ailleurs, quand on y est, on se sent tantôt chez nous – c’est notre ferme, nos légumes, nos cultures, le fruit de notre travail, un endroit qu’on embellit, enrichit, aide à s’épanouir en permanence -, tantôt les invités d’une nature qui ne nous attend pas, qui s’installe et grandit sans nous, voire ne veut pas de nous parfois – quand on tombe nez à nez avec une portée de rongeurs, quand on est piqué par un taon, quand on découvre toute une vie souterraine de larves, fourmis et autres insectes insoupçonnés enfouis dans le compost, quand le vent, la pluie, les éléments détruisent notre travail ou le rendent bien ardu.

Il y a des jours où on se sent bienvenus, où on travaille avec la nature et où elle accompagne nos gestes. Il y a les jours où on ose à peine, où les mains se font plus délicates encore que d’habitude, où on se sent humbles et tout petits, hôtes silencieux et respectueux, devant le travail des bourdons, la beauté des papillons, la folie galopante des plants de courgettes, le coucher de soleil. Puis, il y a les jours où la nature est plus grande, plus forte, plus puissante, où on regarde, impuissants, les carottes rongées par les campagnols, les feuilles de choux trouées par les insectes, un de nos cerisiers fendu par la tempête, les sols gorgés par les pluies torrentielles. Il n’y a dès lors qu’une chose à faire: s’adapter, suivre ce que nous disent les lieux et leurs habitants, travailler avec la nature.

« La permaculture se base sur l’interconnexion entre les êtres humains et la nature », comme la définit Semailles, le producteur de graines et de semences bio et anciennes installé à Faulx-les-Tombes. « Sur le savoir-vivre ensemble, dans le respect mutuel et le partage. Elle dispose d’un vaste champ d’action: maison autonome, préservation de la biodiversité, agroforesterie, compagnonnages au potager, recyclage… » En gros:

La permaculture, c’est l’humain qui se base sur le fonctionnement de la nature pour créer des systèmes de survie écologiques. 

Logique puisque le mot trouve son origine dans « permanent agriculture ». Du coup, on produit ses propres fruits, on utilise des techniques naturelles pour cultiver ses légumes, on protège ses plantes avec ce que l’on trouve dans la nature, explique encore Semailles.

Respect de l’humain, respect de la terre et partage équitable

En réalité, la permaculture n’a rien de neuf. Elle a été découverte dans les années 70 en Australie par Bill Mollison et David Holmgren. Alors qu’ils observaient les peuplades de Tasmanie et les tribus de certains pays d’Afrique, les deux scientifiques ont fait un constat: ces hommes et femmes vivaient de manière stable depuis des centaines d’années, en harmonie avec leur milieu naturel, comme le fait savoir Claire Véret, en introduction du livre Permaculture et agroécologie: créer sa micro-ferme de Linda Bedouet.

Trois éléments composent la permaculture: le respect de l’humain, le respect de la terre et le partage équitable (à savoir « réduire nos consommations, partager l’abondance et réguler la population mondiale »). Les théoriciens de la permaculture en ont dressé les principes de conception en se basant sur l’écologie scientifique, l’étude approfondie du fonctionnement des écosystèmes naturels et la thermodynamique. En voici quelques-uns de ces principes: « capter et stocker l’énergie, donner à un élément plusieurs fonctions, ne produire aucun déchet, intégrer au lieu de séparer, être créatif face au changement, et le fameux… le problème est la solution! » Des principes que l’on peut appliquer au quotidien, à la maison, dans la vie.

La permaculture met fortement l’accent sur la nécessité de chacun d’entre nous de « prendre la responsabilité de nos vies, maintenant ». Elle appelle à l’organisation collective locale, à la création de biorégion. Elle est d’une certaine façon un véritable projet politique qui s’invente ensuite différemment dans chaque territoire.

Claire Véret, « La genèse de la permaculture », dans Permaculture et agroécologie: créer sa micro-ferme, Linda Bedouet.

Il y a donc un côté militant, engagé dans ce terme de permaculture. Et c’est dans l’air du temps, dans l’air du changement. D’où sans doute son succès. Un succès qui vient peut-être aussi d’un quiproquo, souligne Claire Véret: « Beaucoup voient dans la permaculture une solution miracle, une recette magique. Ils ont lu ici ou là que la permaculture permettait des rendements agricoles incroyables, garantissait une belle vie sans trop de travail. La fameuse image du hamac (…) Tout cela relève de l’erreur de jugement. On s’en rend vite compte en mettant les mains dans la terre ou en bâtissant sa maison en paille. Faire avec la nature n’est pas une mince affaire et exige beaucoup de connaissances, de compétences, de patience, d’humilité, de temps. »

Résultat: l’enthousiasme mène parfois à une usurpation du terme, où philosophie de vie se confond avec jardinage naturel et buttes de culture.

Mais quelque part, poursuit l’autrice, peu importe. « La découverte de la permaculture ne peut être que positive. Elle ouvre souvent un nouveau cheminement de vie, dans le respect de son passé, de son entourage (qui comprend plus ou moins, soutient plus ou moins), et dans la perspective de bâtir, jour après jour, une vie de bon sens et de juste partage avec le vivant ».

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